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Son importance liée à la santé en Afrique de l’Ouest est attestée par les récits de voyage. Au XVIe siècle, V. Fernandes écrivait « Les noirs donnent plus d’or en échange de sel que toute autre marchandise. Ils le consomment eux-mêmes, comme leur bétail et prétendent que sans le sel, ni eux, ni leurs troupeaux ne pourraient subsister et prospérer (…). D’ailleurs, il y a plusieurs de leurs maladies internes et de celles de leurs bétails qu’ils guérissent en mangeant du sel. C’est pourquoi le sel est chez eux si fort apprécié ».² Les changements d’habitudes alimentaires, induits par la civilisation industrielle ont profondément modifié la relation positive que nous avions avec le sel. La substitution de sel par des bouillons artificiels est un des éléments de la « fracture sociale »³, qui en fait est devenue un problème de santé publique. Le discours médical axé sur l’excès de consommation de sel, associé à l’hypertension artérielle et les maladies cardiovasculaires dénigre un aliment irremplaçable. « Décliner une histoire du sel, c’est étendre l’étude de la période précoloniale jusqu’aux temps immédiats, c’est inscrire l’historien dans les réalités passées et présentes. »⁴ Il s’agit de donner au sel sa dignité historique en insistant sur la consommation pour la santé humaine et animale. Notre travail est construit autour de questions majeures. Pourquoi l’Homme ingère le sel ? Le sel était-il utilisé dans la médecine traditionnelle ? Mots-clés : Sel, Alimentation, Santé, Médecine traditionnelle, Covid-19. Les sels minéraux Jean Stocker soulignait que « le développement de l’humanité était lié à la possibilité d’approvisionnement en sel, le berceau de la civilisation, l’Égypte, la Mésopotamie, les rivages de la méditerranée sont des contrées où le sel abonde »⁵. L’Afrique de l’Ouest, « protégée et emprisonnée au sud et à l’ouest par l’océan qui épouse la terre dans le fracas de la barre, au nord par l’immense moutonnement ocre et silencieux du désert qui par deux fois se marie aux eaux des fleuves Sénégal et Niger »⁶englobait trois grandes régions de production : le littoral atlantique, source de sel marin, le Sahara : domaine des terres salées et du sel gemme et le centre du pays : domaine des sels végétaux. Sel gemme extrait des mines, sel de sources par ébullition et concentration, sel de cendre par ébullition, sel résultant du lessivage de certains sols ; ces sels ont toujours été utilisés pour la consommation et furent composés généralement des minéraux suivants : « sodium, calcium, potassium, lithium, rubidium, strontium, magnésium, aluminium, silicium, titane, fer et cuivre. »⁷ Alimentation humaine Étudier le lien entre le sel et l’homme ; c’est se pencher sur ses besoins vitaux. Parmi eux, l’un des plus impérieux est le besoin en sel. C’est lui qui a dicté aux hommes d’élaborer des techniques de production pour l’acquérir ; nouer des relations d’échange pour assurer son approvisionnement. En se fondant sur les travaux du médecin-colonel Léon PALES, l’introduction du sel dans l’organisme par voie alimentaire répondait à un besoin physiologique. En 1950, il écrivait « le goût des noirs pour le sel, n’est pas un goût. La « soif de sel » des noirs rejoint leur « soif d’eau ». C’est un besoin physiologique impérieux ; »⁸ Pour PALES, le fonctionnement de l’organisme humain « est étroitement lié au métabolisme du sel et de l’eau. Schématiquement (…), le tube digestif de l’homme est l’axe de construction de la figure avec sa voie d’apport alimentaire (…). Du secteur d’assimilation, les aliments nutritifs passent dans le plasma sanguin. Là, deux voies se présentent : l’une conduit dans l’intimité des tissus, l’autre a des nouveaux organes d’excrétion : les poumons, les reins et la peau. La voie d’accès à l’organisme aboutit aux liquides interstitiels ou milieu intracellulaire. Mais, déjà, il apparaît que le plasma sanguin est composé d’eau et de chlorure de sodium [sel] où l’eau représente 5% du poids du corps. Le liquide interstitiel est un 2 CadaMosto cité par MAUNY R, Tableau géographique de l’Ouest Africain au moyen-âge d’après les sources écrites, la tradition orale, l’archéologie, 1961 mémoire IFAN N°61, Dakar, p. 323. 3 FALL M. « Les fractures en notre humanités », Le SOLEIL, Mardi 09 juin 2020, P. 18-19. ⁴ UBOIS C., L’or blanc de Djibouti, Salines et sauniers (XIXe –XXe siècles), 2003, Paris, éd : KARTHALA, PP. 9. ⁵ STOCKER (J), Le sel, 1949, Paris, presses universitaires de France, Préface ⁶ MONNIER y, L’Afrique dans l’imaginaire Français, (Fin du XIXe- Début XXe Siècle), 1999, Paris, éd : L’Harmattan , P. 291 ⁷ SERVIGNE M. et PALES L., 1954, Les Sels alimentaires, Paris, éd : J.G. Malochet, P. 12. ⁸ Pales L., op cit.P.73 BIRAMAWA MAGAZINE - 45

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