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que ses partenaires surnommaient Tigana, distribuait les passes décisives aux attaquants comme de petits pains. Et moi, j’étais devenu une passoire, le temps d’un après-midi. Je puis jurer que si le match s’était déroulé sur un terrain sablonneux, au moins 4 des 7 buts seraient sauvés par votre serviteur. Hélas, je ne m’étais jamais préparé à la vitesse et la puissance d’une balle roulant sur du gazon. J’avais pris un très grand coup au moral. Comme tous mes coéquipiers d’alors d’ailleurs. Et tenez-vous bien, trois semaines plus tard, on a été programmé pour affronter le Stade de Mbour en Demi-finale de Ligue régionale… encore au Stade Lat Dior. Pire, la moitié de l’équipe était forfait. Coach Bouna a eu beaucoup de mal à confectionner un bon Onze de départ. Il était même obligé de surclasser certains de nos petits frères cadets pour embellir le banc de touche. L’équipe que nous avions en face était physiquement supérieure. Nous étions de très petits gabarits. Mais en un quart d’heure, les Mbourois ont tellement couru derrière le ballon qu’ils n’en pouvaient plus. Après 30 minutes de jeu, nous menions 2 à 0. Mais c’était un de ces chaudes matinées caniculaires de Thiès où le soleil était subitement descendu pour regarder le beau spectacle que nous servions aux spectateurs qui étaient aux anges dans les gradins. Malheureusement, la chaleur était un adversaire redoutable pour mes coéquipiers qui commençaient à s’essouffler. Les attaques adverses commencèrent alors à se multiplier dans ma surface de réparation à 10 minutes de la mi-temps. Les tirs venaient de partout. Et j’enchaînais les arrêts spectaculaires. Même à deux contre un, j’arrivais à tromper les attaquants mbourois et à leur faire déjouer. J’avais tels des aimants sur mes gants qui attiraient toutes les balles On parvînt à maintenir notre avance de deux buts jusqu’à la mitemps. En deuxième mi-temps, ce fut trop éprouvant. Mes coéquipiers étaient à bout de souffle. Et on n’avait pas de remplaçants. L’équipe adverse multipliait les occasions de but. Sans réussir, dans les 15 premières minutes de la deuxième mi-temps à percer le mur que j’étais devenu. Mais à force de tomber et de se relever, d’aller à des duels aériens avec des attaquants costauds, j’ai également fini par céder à la fatigue. Les Mbourois ont alors réussi une Remontada dans le dernier quart d’heure du match pour l’emporter 3-2. Mais à la fin du match, tout le monde est venu nous féliciter pour le beau jeu que nous avions produit ce jour-là. Quant à moi, je savourais ma revanche sur le gazon du stade Lat Dior. Sans jamais m’entraîner sur ce type de pelouse, je m’étais adapté entre deux rencontres espacées de trois semaines. Un peu longue l’anecdote. Non ? Vous souffrirez souvent ici que je me la raconte avec ma pseudo-carrière de footballeur. Comme si j’avais réussi à gagner quelque chose, à part UNE coupe de championnat Navétanes (Mort de rire). Bref, c’était juste pour vous dire que j’avais ce don inné en moi de s’adapter à mon milieu. Mais que je l’ai tardivement découvert. Savoir se faire petit parmi les grands esprits L’un de mes mentors de jeunesse, un certain Cheikh Ndoye (il m’a beaucoup appris dans la vie) m’a dit un jour : « ce qui est dangereux avec toi, c’est que quand tu arrives dans une discussion sur un sujet sur lequel tu ne sais absolument rien du tout, tu te débrouilles toujours pour avoir le dernier mot. Au début tu es là, invisible, tu observes les gens, écoutes tout le monde, apprends de chaque version pour imposer ton analyse. Ca beaucoup de personnes ne le l’ont pas remarqué de toi ». Je pense que c’est la même tactique que j’ai appliquée à mon arrivée à la rédaction de Walf Grand’Place. Deux semaines après le début de mon stage, je n’avais pas écrit le moindre papier. J’étais dans un monde encore inconnu. Je regardais bien ce qui se faisait, observais bien les uns et les autres, photographiais dans ma mémoire toutes les remarques sur l’écriture journaliste, les angles de traitement…pendant les réunions de rédaction. Une fois à la maison, je lisais les articles de l’édition de la veille. En dix jours, je savais ce qu’il fallait faire, que ne pas écrire et comment sortir des sentiers battus. « Vous n’en saurez jamais assez tant que vous vous précipiterez partout à vous glorifier du peu que vous savez » L’apprentissage est un chemin sans terme. Et j’avais une chance immense de travailler dans un immeuble où l’on pouvait trouver toutes les sommités en termes d’écriture et de rigueur. On ne peut pas avoir Tidiane Kassé dans une pièce à côté et ne pas en profiter. Ses chroniques « A la Volée » dans le quotidien Walf Sports d’alors étaient d’une rare saveur pour le petit esprit que je suis. Idem pour les « Avis d’Inexpert » de Jean Meissa Diop, les mini-dossiers bien rédigés de Faydi Dramé, les papiers en Politique d’Ousseynou Baldé, les savoureuses enquêtes Société de Ndèye Awa Lô, la simplicité et la rigueur de Oumy Diakhaté… J’ai été gâté d’avoir côtoyé toute ce beau monde. Mais surtout, j’ai bien profité de leurs compétences et de leurs expériences. Je vous signalais l’autre jour que durant tout mon séjour Walfadjiri, à part les trois derniers mois de 2013 où j’avais droit à un chèque de 50 000 Fcfa, je touchais zéro Kopeck. Mais ce que j’ai gagné durant ces trois années comme capital expérience et savoir en valait le coup, messieurs dames. C’était à la fois une école et une vitrine pour quelqu’un comme moi qui n’était encore personne, qui ne savait rien. BIRAMAWA MAGAZINE - 17

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