un marginal, un troubadour. L’on se rappelle enfant de cette blague qu’on se servait pour se moquer des musiciens : un jeune homme vient sérieusement s’ouvrir à son père pour lui dire : « Baay ! Baayi na caxaan damay riti » (Père ! J’ai cessé de m’amuser ; maintenant je joue du riti (le violon peulh). Ce qui nous faisait beaucoup rire car, nous considérions la pratique de la musique comme une activité peu sérieuse. Les préjugés, qui entouraient la musique, étaient partagés, à l’époque, par tous les secteurs de la vie sénégalaise. Ce que corrobore l’ex manager d’Omar Pène, Pape Bondé Diop qui nous racontait au cours d’une interview9 ce qui arriva à son poulain : parti à la police se faire confectionner une pièce d’identité, le policier qui s’en chargeait lui demanda sa profession : il répondit, fièrement : « musicien », le policier lui rétorqua : « Musicien ! » ; « Chômeur ! Oui ! ». Aujourd’hui, grâce à la technologie, le secd’arteur de la musique est un créneau porteur qui attire beaucoup de producteurs, tistes, de distributeurs et de vendeurs de cassettes qui espèrent y trouver leur voie. Aussi convient-il de remarquer que l’industrie musicale est en train de révolutionner les mentalités ; l’image du musicien a positivement évolué ; il est perçu comme quelqu’un de riche, pouvant satisfaire les besoins des gens. Au cours d’une enquête relative à la perception du musicien par les gens ; sur une population de 100 sujets enquêtés, 72 % déclarent être l’objet de sollicitation pour de l’aide contre 18 %. Ce qui indique qu’ils sont considérés comme des privilégiés capables de satisfaire les besoins des gens confrontés aux difficultés de la vie. Les sollicitations dont les musiciens font l’objet de la part des populations apparaissent dans cette confession de la chanteuse Ndèye Fatou Tine dite « Titi » qui révèle dans le journal Le […] En venant, vous avez vous-même rencontré des gens devant la maison. Il y a toujours du monde et il n’est pas dit qu’on peut recevoir tout le monde. Ils croient que je suis riche, que je suis capable de leur venir en aide. C’est vrai ça ne fait pas longtemps que je suis dans le métier et si j’avais des millions, c’est sûr que je leur viendrais en aide, surtout aux plus démunis […]. Je veux tout juste que les gens sachent que je ne suis pas si riche qu’ils le pensent.1010 Donc, la réalité est autre car 29 % seulement des enquêtés déclarent vivre correctement de leur art contre 39 % de réponse négative. Ce qui révèle, donc, que les musiciens bénéficient de préjugés favorables dans une société fortement marquée par la pauvreté. Nous pensons trouver les raisons de ce regard positif que les gens posent sur les musiciens. Elles découlent pour l’essentiel de l’aura dont bénéficient les « ténors » de la musique sénégalaise que sont : Youssou Ndour, Baba Maal, Ismaéla Lô, Coumba Gawlo Seck, Thione Seck, Oumar Pène, Viviane Ndour, etc. mais également de la forte médiatisation dont ils sont l’objet. Comme l’écrit Yann N. Diarra : Dans un environnement urbain où la pauvreté s’installe, la réussite sociale et économique, parfois fulgurante, de certains musiciens est devenue un modèle pour les enfants et les jeunes. La musique est également pour eux le média le plus accessible pour exprimer leurs visions, leurs attentes, leur espoir (Diarra, Y. N., op.cit :252) Quotidien : Les analyses de deux observateurs de la scène musicale sénégalaise corroborent cette mutation. D’abord celles de Rama Sy Diop qui rappelle : Jadis confiné dans l’arrière-boutique de la société, le musicien de nos jours 99 L’interview a eu lieu le 18 septembre 2000 au siège de Médiator. 1010 Interview parue dans Le Quotidien et reprise par l’hebdomadaire Révélation n° 198 du 07 avril au 14 avril 2006, p.8. 1212 Télé Mag n° 85 février 2000, p. 14. Page 22-Biramawa Magazine
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