tionnelle est sur le point de changer de registre au risque de perdre totalement son substrat. Pour désigner cet avatar, certains n’ont pas hésité pas à parler de tradi-moderne et à mettre en garde contre la possible disparition de la musique traditionnelle si des actions vigoureuses ne sont pas entreprises allant dans le sens de sa revalorisation. En effet, le mbalax trône de toute sa stature sur la scène musicale du Sénégal. En véritable seigneur, ce genre musical a marqué et continue de marquer de son empreinte indélébile, la musique sénégalaise. Toutefois, il constitue l’écran de fumée qui empêche l’expression d’autres sonorités tout aussi riches que diverses. Mû par une logique commerciale, le mbalax prend les contours de l’« informalité » tant au niveau de sa création, de sa production que de sa distribution. Ce fait est désigné sous le vocable de sandaganéisation ou de son baol-baol de la musique tant la recherche effrénée du gain l’emporte sur la qualité artistique des œuvres. Avec l’aide de la technologie musicale (studios d’enregistrement, usines de duplication de cassettes, supports de diffusion : radios, télévision culturelle, Internet, etc.), des produits sont réalisés à la va-vite et commercialisés sur le marché en ne se souciant pas de la qualité. Pourtant, la musique sénégalaise, à travers ses têtes de file tels Youssou Ndour, Baba Maal, Ismaéla Lô, Thione Seck, s’est choisie pour l’international une musique mondialisée. Il s’agit de s’insérer dans les canaux de la world music. Ce sont des croisements musicaux qui ont toujours existé mais que la médiatisation et la technologisation de la musique ont accéléré et généralisé à l’échelle planétaire. Le « métissage musical » a été toujours perçu sous l’angle ethnocentriste faisant de la civilisation européenne la productrice de la musique la plus évoluée tandis que les musiques des autres peuples sont considérées comme des ébauches moins élaborées et plus primitives. Est-ce la raison pour laquelle la plupart de nos musiciens réa22 Denis Laborde, cité en note de bas de page par Jean Luc Bonniol, op.cit, p. 334. 33 La catégorie world music a été introduite dans les Grammy Awards en 1991. 44 Jean Luc Bonniol, op.cit., p.335. Biramawa Magazine-Page 19 lisent, pour être en phase avec le showbiz mondial, une musique à deux vitesses : un mbalax pur et dur pour le local et des sonorités métissées pour l’international ? Une telle question a été posée à Youssou Ndour l’artiste planétaire qui a reconnu sans ambages sa musique « bicéphale » A ce propos Denis Laborde explique : Les réalisations musicales qui pouvaient être polyrythmiques, riches de décalage et de syncope, doivent pour entrer dans le nouvel éden musical se plier à l’installation d’une pulsation binaire en continu. Aussi Youssou Ndour en arrive-t-il à produire deux types de réalisations musicales, selon qu’il vise le public occidental ou le public sénégalais.22 D’ailleurs Baba Maal, Ismaéla Lô ont été nominés dans la catégorie « world music »33 des Grammy Awards ainsi que Youssou Ndour qui finira par remporter le prix en 2005 avec son album Sant dans lequel il est accompagné d’un orchestre égyptien. La world music se veut, en fait, une modernisation des musiques traditionnelles en se servant de nouveaux instruments et en adoptant de nouvelles technologies. Elle vise un public planétaire. Mélange de différentes sonorités, la world music n’en revendique pas moins un fondement authentique « qui apparaît souvent vécue comme primordialité, connectée à l’intemporel, au primal, au chtonien, s’opposant là à l’éphémère, à l’artificiel et au corrompu, caractéristiques de la civilisation occidentale » (Jean- Luc Boniol, op.cit : 335)44 . Force est de constater que ce phénomène persiste toujours. Pour plaire à deux types de public (local et occidental), les artistes continuent de faire une musique différenciée. Entretemps, la musique numérisée a eu raison de cette situation. L’industrie du disque n’a plus sa force
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