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À l’occasion des festivités culturelles ou des grands évènements Haalpulaar comme les cérémonies de mariages ou encore lors du retour d’un émigré qui a réussi, les griots (Awloubé) chantent les louanges de ce dernier et en présence de ses amis qui n’ont jamais migré. Les propos souvent mis en exergue sont "So bobo yonti yo yillo ("À un certain âge, il faut aller chercher ailleurs") ou encore "Mo ɗannaki nénémum adoyta mandat" ("Quiconque n’a pas migré, sa maman ne se pointera jamais à un bureau de poste pour retirer un mandat (de l’argent)"). De tels propos sont devenus des dictons qui peuvent véritablement motiver une personne à migrer. Les populations Wolof se plaisent à dire « Celui qui ne voyage pas ne connaîtra jamais là où il fait meilleur à vivre » alors que pendant longtemps les Soninké soutenaient « Aller à Bordeaux ou mourir ». Ces maximes façonnent les représentations sociales, traversent la conscience collective des populations locales et contribuent en partie à l'envie du voyage. C'est ainsi que l'Europe a longtemps représenté la destination de rêve pour la majeure partie des populations sénégalaises. Cette envie de migrer s'est davantage accentuée avec l'impact des chaînes de télévision à grande audience sur les populations qui ne fait qu'aviver cette illusion. Le postulat présentant la recherche des meilleures conditions de vie comme une des causes profondes de la migration n'est plus à négliger. Il trouve son fondement dans la dégradation persistante des structures sociopolitiques et économiques locales mais aussi dans la non-productivité de la pêche qui n'attire plus de nombreuses populations qui choisissent de migrer pour améliorer leur quotidien. La rumeur aidant, nombreux sont les jeunes qui ont espéré qu'en Europe, ils peuvent réussir à faire leur vie comme tous ces migrants qui sont revenus au Sénégal avec argent, voitures, pour construire de belles maisons et organiser de grandes cérémonies. La société respecte plus celui qui a migré que celui qui est resté au pays ? Avec la migration, le migrant gagne l’estime, la considération et le respect de ses pairs. Il faut non seulement partir mais il est possible de faire des activités sans aucune pression sociale. Avec centaines pesanteurs sociales, des populations ne peuvent pas faire cerPage 18-Biramawa Magazine-Novembre 2020 taines activités dans leur pays d’origine. Pour preuve, les femmes sénégalaises qui s’activent dans la coiffure aux États-Unis ou au niveau des plages européennes ne peuvent pas exercer les mêmes activités au Sénégal parce que celles-ci sont associées à un groupe social. Nous avons une société avec ses manières de filtrer et de distribuer les stigmates. Nous avons une société avec ses référentiels de réussite. La réussite avec un temps long par l’école est moins appréciée que la réussite avec un temps court par le voyage. Et combien de fois dans cette société sénégalaise on rappelle aux jeunes « Avoir de la chance, c’est mieux qu’avoir une licence ». Quelles peuvent être les conséquences de ces départs des jeunes pour le Sénégal ? La majeure partie des jeunes qui partent sont des soutiens de famille ou encore leur famille mobilise les ressources disponibles pour financer leur voyage. Par conséquent, leur famille risque de se retrouver dans une précarité. Ils sont vendeurs ambulants, pécheurs, mécaniciens, transporteurs, etc. brefs, des bras valides et utiles à leur pays. Leur départ est une lourde perte quel que soit l’effectif. « Il faut une politique d’emploi qui répond aux réalités territoriales. Pour cela, il faut intégrer la recherche dans les décisions politiques précises. » Comment appréciez-vous les actions entreprises par l’État du Sé

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