nations. Je divaguais, prononçais son nom à tu-tête, se réveillais et criais la nuit quand tout le monde, mise à part ma mère, était capturé par Morphée. Mais quelques semaines après, j’étais à nouveau sur pied, après avoir pris quelques bains mystiques. Cependant, je n’étais plus ce garçon plein de vie et qui rêvait de devenir avocat. Je me suis néanmoins accroché à la vie et à mon rêve. J’ai eu mon bac et suis parti à la capitale étudier le droit. Et c’est au courant de ma troisième année à l’Université que Sarani a resurgi dans ma vie. Une lettre m’est parvenue alors que j’étais venu rendre visite à ma famille pendant les vacances de Noel. Elle disait ceci : « Mon cher ami, je souffre depuis qu’on s’est quitté. Il n’y a pas un seul moment passé dans ce lieu qui me donne envie d’y rester. J’ai enduré et je continue d’endurer l’abandon, le délaissement de l’homme qui me sert de mari et que je ne vois que très rarement. S’il n’est pas avec son troupeau de vaches, il est avec d’autres femmes. Mon seul tort est de n’avoir jamais pu enfanter après des années de mariage. Si je t’écris, ce n’est certes pas pour alarmer mes parents ou le village entier. Mais tu dois savoir que dans le gouffre où je me trouve, tu es le seul à pouvoir m’y tirer. Aux bons souvenirs de notre enfance, je garde une foi iné24-BIRAMAWA MAGAZINE branlable en toi. Au revoir » J’ai tout essayé pour la tirer du précipice. Je suis même allé jusqu’à son village pour convaincre son mari de la libérer puisqu’il n’en prenait plus soin. J’ai récolté un coup de machette qui aurait pu m’être fatal, si je n’avais pas été évacué de justesse de ce village, par un vieil homme. Après mon rétablissement, j’ai voulu ester en justice contre l’homme qui m’avait agressé. Mes parents m’ont dissuadé de le faire. Je n’ai récolté que le courroux de mon père qui ne pouvait pas comprendre comment j’ai pu oser entreprendre une telle démarche sans lui en parler. Mais à chaque fois que je décidais d’abandonner, l’image de Sarani épuisée et rongée par la détresse et la fatigue me revenait à l’esprit. Je ne pouvais pas. Non, je ne pouvais pas l’abandonner à son propre sort dans ce trou perdu. Pendant les grandes vacances, alors que je revenais des champs, j’ai croisé le même vieux qui m’avait évacué de justesse après mon agression par le mari de Sarani. C’est lui qui est venu à moi pour me rafraîchir la mémoire. Je lui ai adressé de vifs remerciements avant de lui demander s’il a des nouvelles de mon amie. Et là, il m’a demandé de le retrouver après la prière du crépuscule derrière l’école du village avant de me dire qu’il avait peut-être une solution pour notre problème. Je l’ai trouvé devant une case située dans une maison délabrée. Il était assis sur une natte de prière, le chapelet à la main, en train de dire des invocations. Il m’a fait un signe de la main pour que je prenne place en attendant qu’il termine. J’étais très impatient d’écouter ce qu’il avait à me proposer pour enfin sauver Sarani de son enfer. Mais j’étais loin de m’imaginer que le choix serait aussi difficile à faire. « Mon garçon », a dit le vieil homme brusquement, alors que j’étais plongé dans mes pensées. J’ai presque sursauté avant de lui prêter toute mon attention : « Le mariage est un lien sacré. Et l’amour est un lien divin. Ta bien-aimée est dans un lien sacré. Et pour la sauver, il te faut sacrifier quelque chose en retour. Chaque chose a un prix ici-bas et dans l’au-delà. Sarani ne tiendra pas encore une année dans son foyer conjugal. Elle va mourir de chagrin, de honte et de peine. Son cœur a tenu plus qu’il ne le pouvait. Mais le hic, c’est qu’elle est dans un lien sacré et protégé par la loi divine. Voilà ce que tu peux faire pour la sauver. Soit tu rassembles cinquante vaches et cinquante chamelles que tu vas sacrifier dans une semaine. Et il faudra les acquérir honnêtement ces bêtes. Si tu en es vraiment incapable au
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