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bout d’une semaine, il te restera l’ultime solution, celle de transposer sa stérilité sur toi. Ainsi tu seras impuissant pour le restant de tes jours sans possibilité aucune d’y remédier. Mais attention, si t’es pas sûr de pouvoir réussir, il ne faut pas entamer le défi. Le sacrifice est si énorme et cela implique non seulement ton futur, mais aussi l’espoir que tes parents ont fondé en toi. Mon garçon, tu as une nuit entière devant toi pour réfléchir. Alors vas-y et je prie Dieu pour que tu puisses faire le bon choix.» Sur le chemin du retour, je ne pensais à rien d’autre qu’au moyen de trouver des fonds pour rassembler un tel troupeau. J’y ai pensé toute la nuit sans pouvoir une seule minute fermer l’œil. Je n’étais qu’en troisième année et mes parents n’avaient même pas les ressources nécessaires pour s’offrir, ne serait-ce que, trois vaches. Mais l’heure du rendez-vous s’approchait et je devais me décider, sinon Sarani allait mourir. Non, la mort de Sarani était inconcevable. Je n’ai même pas cherché à peser le pour et le contre. Mon choix était fait. Je devais relever l’énorme challenge qui s’annonçait comme une mission impossible. Quand je me suis présenté devant le vieux sage ce soir-là, il n’y avait pas besoin que je lui dise quoi que ce soit. Nos yeux se sont croisés et il m’a dit : « Tu es très courageux mon garçon. Puisse Dieu t’assister dans ta démarche. Maintenant va et garde toujours la foi ». J’ai parcouru tous les villages environnants à la recherche de bergers créditeurs. En vain. Sans argent liquide, je ne pouvais rien obtenir. Je suis retourné dans la capitale pour voir avec mes contacts s’il y avait moyen de trouver une somme d’argent conséquente. Mais en tout et pour tout, je n’ai pu réunir que 9 millions avec l’aide d’un ami qui avait des parents aisés. Mais c’était trop peu. Pour rassembler un tel troupeau, il me fallait des dizaines de millions. J’étais abattu et consterné. Il ne me restait qu’un jour et je suis retourné au village attendre que l’inévitable se produise. Vous comprenez donc bien toute ma peine devant ce miroir qui domine le décor de ma chambre. Vous comprenez bien mon penchant à tout abandonner et à me résigner face à un destin trop fort pour moi. J’ai choisi de ne rien dire à mes parents. De peur qu’ils ne me dissuadent de prendre ma propre décision. Après le crépuscule, je suis retourné à l’endroit où le vieux sage m’attendait une toute dernière fois. Nos yeux se sont encore chargés de communiquer à la place des mots. Une minute, puis deux et un froid glacial s’emparait de mon corps. Je ne sentais plus aucun de mes membres. Paralysé pendant un bon moment, j’ai retrouvé l’usage de mes jambes et de mes mains après avoir été aspergé d’un liquide mystique par le vieux sage. L’heure de la libération était venue pour Sarani sonnant par la même occasion ma condamnation à ne plus jamais connaître le plus petit plaisir charnel. « Mon garçon, c’est certes très dur. Mais plus longtemps tu vivras, plus tu sauras qu’aucun sacrifice ne reste vain. Ici se séparent nos chemins. Tu ne me verras plus jamais. Mais tant que tu garderas la foi, tu auras le meilleur des compagnons. Adieu mon garçon ! » Et il est parti… deux ans après, Sarani avait mis au monde des jumeaux. L’un portait mon nom. Ai-je fait le bon choix ? J’en suis convaincu et la lecture de cette phrase d’un grand philosophe sénégalais me réconforte : « La plus mauvaise femme sur terre vaut de l’or. Quant à la vertueuse, elle n’a pas de prix ». Le Sacrifice est toujours guidé par un amour inconditionnel. Sur ce, portez-vous bien en respectant les mesures barrières édictées par les autorités sanitaires pour se protéger du virus et protéger également vos proches. Paix sur vous ! Ayoba FAYE Journaliste d'investigation Rédacteur en Chef PressAfrik BIRAMAWA MAGAZINE - 25

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