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CPe est essentiel. Il s’agit d’un travail enthousiasmant, mais des plus difficiles. les éducatrices ne sont pas les parents, mais des figures d’attachement ; elles ne sont pas des enseignantes, mais elles préparent les enfants à leur avenir. elles ne sont pas des monitrices, mais ouvrent à l’imaginaire. elles ne sont pas des thérapeutes, mais rectifient la trajectoire par leur présence. les intervenantes de la petite enfance cherchent la qualité et le dosage de leur présence, de leurs actions, de leurs attachements ; elles doivent s’engager, tout en restant distanciées. elles deviennent signifiantes pour permettre aux enfants de développer un chemin de vie. Anna TARDos on ne se souvient pas de sa naissance ni même quelquefois de sa propre petite enfance, mais on la revit à travers celle de ses enfants. Être avec l’enfant, le comprendre ; c’est un temps de vie qui devrait être heureux. Toutefois, les soucis quotidiens existent bel et bien, à chaque moment. les difficultés sont liées aux solutions que l’on doit sans cesse trouver, à des réalités que l’on doit quotidiennement vivre et surmonter. Comprendre l’enfant est une longue démarche pédagogique ! les parents font le chemin assez bien, et il est heureux de se rappeler que les enfants n’ont pas besoin de parents parfaits ! Winnicott nous rappelle qu’ils ont besoin « d’assez bons parents ». Pour les professionnels, toutefois, c’est une autre réalité ; il est essentiel de poursuivre sans cesse son perfectionnement. Cette nuance doit être bien comprise, si l’on ne veut pas être sujet à l’irritation, à la colère ou même à la panique, quelquefois. Il faut distinguer « besoins généraux » et « besoins individuels » : il faut savoir que nous pouvons influencer ou créer les besoins des enfants. Dans son livre pour les parents, emmi Pikler propose un chapitre intitulé « Éduquer ou pleurer ». elle y explique que quand l’enfant pleure, on le prend, comme une réponse à ses pleurs. Ainsi, à force de le faire, le bébé a « appris » ce besoin. l’enfant pleure ou est inconfortable, la maman le met au sein : encore là, on crée un besoin. Il est ainsi facile de détourner les besoins réels ou naturels. C’est une question d’éducation que de comprendre que l’enfant a besoin d’être porté, de se promener, de dormir. Ça peut être vrai, mais peut-être pas : est-ce un besoin fondamental, ou est-ce que j’ai développé ce besoin, parce que je l’ai imaginé ? la question se pose. Par rapport aux parents et à une nouvelle approche qu’on leur propose, il est important de comprendre qu’il ne s’agit pas L’ENFANT un monde à RE-CONNAÎTRE d’« appliquer » une théorie, un courant. Il y a un grand danger au terme « appliquer » ; il faut réfléchir : ça aide à mieux comprendre. Il ne faut pas « appliquer », comme une recette. C’est à prendre comme un modèle à réfléchir. on doit toujours se questionner. les enfants ont besoin d’une attitude franche : il faut être convaincus, et il ne faut pas appliquer si l’on n’a pas compris. sinon, ce sera plaqué et pas intégré, problématique, incohérent, inconsistant. Dans une bonne crèche, les parents doivent être accueillis. Il faut montrer l’attitude, l’atmosphère et ne pas trop se mêler à la vie familiale. Il faut éviter de dire « je connais Pikler, j’ai maintenant la vérité ». C’est un autre métier que de savoir comment réfléchir avec les parents et de travailler avec eux ; il ne faut absolument pas outrepasser ses compétences. les compétences des éducatrices, c’est avec les enfants, pas avec les parents. Ainsi, il faut éviter de les conseiller dans leur rôle de parent. sinon, on peut enlever la sécurité des parents. Michel MANCIAUX les spécialistes doivent revoir leurs façons de faire ; ils ne doivent pas parler doctoralement. Comme le disait le grand pédagogue polonais Janusz Korczak qui, directeur de l’orphelinat du ghetto de Varsovie, accompagna, alors qu’il pouvait s’échapper, ses petits protégés au camp de la mort : « Vous dites c’est difficile de s’occuper des enfants et vous avez raison. et vous dites parce qu’il faut s’abaisser pour se mettre à leur niveau et là, vous avez tort. C’est difficile parce qu’il faut se hausser sur la pointe des pieds pour s’élever à leur hauteur ». Georges Duhamel, auteur et académicien, parlait des enfants qui nous déstabilisent complètement, qui nous permettent de refaire un chemin d’humilité et de tout remettre en question, que l’on soit parent ou grand-parent. Il disait « Avec des enfants, tu remettras des peut-être aux ailes de tous tes projets ». les enfants sont là pour nous redonner la modestie, pour nous rendre plus sensibles à la parole des autres, y compris celles des tout-petits, même par nos réactions non verbales. Nous garder ouverts à la parole des enfants, c’est rester ouverts à l’inattendu. Il faut aussi se méfier des comparaisons entre enfants, des échelles d’évaluation, des théories. en tant que parent ou éducateur, on met souvent la barre trop haute et l’on met l’enfant en situation d’échec. Compte tenu des moyens et du temps nécessaires pour progresser, l’enfant n’arrive pas à ce qu’on attend de lui. les Américains ont cette phrase ter59

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