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COLLOQUE 09 POUR AMORCER UNE RÉFLEXION... Michel MANCIAUX Pédiatre social • France le déterminisme est une doctrine laquelle philosophique le parcours existentiel d’un individu est suivant lié à et déterminé par la chaîne des événements antérieurs. Chaîne, enchaînement, tout est dit, et, curieusement le dictionnaire réfère le prédéterminisme au plan de Dieu, le confondant quelque peu avec la prédestination. Personnellement j’ai beaucoup appris du livre de Selma Fraiberg Fantômes dans la chambre d’enfants. Dès avant sa naissance, un enfant fait rêver, fantasmer ses proches pour le meilleur, mais aussi parfois pour le pire. sa venue remet à jour des secrets de famille, des drames parfois, des contentieux durables, et il est investi de responsabilités, de missions qui vont le poursuivre tout au long de son enfance. C’est particulièrement le cas dans quelques situations aux enjeux massifs : enfant de remplacements après la mort d’un aîné idéalisé et le prénom René (renatus) était souvent utilisé dans ce sens ; la version moderne en est la procréation qui suit rapidement, avant le deuil, le drame de la mort subite et inexpliquée d’un nourrisson. C’est aussi l’enfant thérapeute conçu pour fournir à un aîné malade des cellules souches ou autres éléments biologiques qui lui manquent ; l’enfant programmé pour réconcilier des parents en conflit. on réalise facilement la charge qui repose sur un bébé dès avant sa naissance : héritier innocent chargé de missions parfois impossibles et qui vont empoisonner son existence. De tels défis sont encore trop souvent posés à de jeunes enfants. et aussi enfances gâchées par des pronostics dévalorisants qui sont trop souvent des prophéties auto-réalisatrices. Que le déterminisme soit porté par l’origine sociale ou par une tare génétique, par des pratiques parentales douteuses, par 38 ACTES DU SYMPOSIUM ET COLLOQUE INTERNATIONAL 2012 l’échec scolaire… il est une maltraitance à l’enfant même s’il se pare souvent d’une aura scientifique. et soyons vigilants, nous qui pensons parfois, devant tel ou tel enfant, « avec les parents qu’il a, qu’est-ce qu’il va devenir ? ». la rigueur s’impose, car le déterminisme a bonne presse chez nos gouvernants, à l’école, dans les médias, dans le public. Dans les années 1950, deux rapports britanniques ont été publiés, apparemment contradictoires. le premier « Born to fail », du National Children’s Bureau, parlait de ces enfants que leur hérédité, leur naissance dans une famille défavorisée, instable, « à risques », leur promet un sombre avenir : échec scolaire, exclusion, pauvreté, chômage, existence dévalorisée… le second, œuvre d’un pédiatre réputé, sir Donald Court, s’intitulait « Fit for the future » : il y était question de ces jeunes pour qui la vie de présentait sous de meilleurs auspices. Ces deux messages contraires invitaient bien sûr à donner aussi leurs chances aux mal partis dans l’existence pour qu’ils rejoignent ceux à qui la vie sourit. et Michel lemay nous en trace le chemin. Il n’y a pas plus antidémocratique que la position de l’être humain dans l’existence. sur le plan génétique, il tire de « bons » ou de « mauvais » numéros : - Il connaît une vie embryonnaire et fœtale idéale ou devient agressé par des éléments métaboliques, hémolytiques, viraux ou toxiques. - Il naît sans problème ou souffre des séquelles d’une anoxie. - Il est porteur d’un équipement neurobiologique et physique intact ou souffre d’une maladie grave ou d’un handicap qui risque de se chroniciser. - - Il entre dans un creuset familial uni ou d’emblée désorganisé. Il s’intègre à une microsociété et à une société qui garantissent un minimum de conditions décentes d’existence sur le plan de l’habitat, du droit au travail, de la répartition des richesses, des soins médicaux, ou devient inséré à un groupe marginal, rejeté, délaissé. Une vision éthique suppose qu’on ose reconnaître ces inégalités et qu’à tous les niveaux, une société, soutenue par un système politique cohérent et juste, tente d’éradiquer au maximum les multiples obstacles qui rendent incertaines les chances de s’épanouir.

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