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formes et ses fonctions suivant des facteurs juridiques, culturels, religieux, sociaux, économiques… Il n’est plus réaliste de définir la famille comme étant deux personnes de sexes différents vivant sous le même toit, même si elles ont un toit : les familles homoparentales sont déjà reconnues légalement dans de nombreux pays, et sans doute bientôt en France. si elles s’opposent, le développement de l’enfant s’en trouve compromis. Françoise Molénat, pédopsychiatre travaillant en maternité avec des femmes enceintes en grandes difficultés, écrit : « Découvrir que les médecins, les services travaillent ensemble constitue pour ces parents un véritable déclic : la visualisation de leur place dans un ensemble qui les contient. en même temps ils ressentent l’intérêt que ces professionnels éprouvent à travailler ensemble à leur propos. souvent une bascule s’opère qui ouvre la voie aux mots. » Ce message fort situe bien la place et le rôle des professionnels dans leur travail avec les familles. Cela vaut la peine d’essayer ! Pour finir, un message important : quand on interroge des groupes de jeunes sur leurs projets, leurs désirs et sur ce qui compte pour eux (selon les eurobaromètres périodiques), la famille vient en bonne place. C’est encourageant. Il faut les aider à concrétiser cet avis dans le respect de leur liberté. Le cycle de la vie familiale C’est d’abord la vie à deux que la venue ou l’adoption d’un enfant transforme en famille nucléaire. Grands-parents, frères et sœurs, neveux et nièces, cousins et cousines en font une famille élargie, mais les départs successifs entament une régression qui se termine par le décès des parents et l’extinction de la famille initiale, parfois prolongée par des familles filles. Il s’agit donc d’une réalité toujours évolutive au fil du temps. Parallèlement, il existe une grande variété de familles, avec des passages fréquents d’une forme à une autre : familles traditionnelles, monoparentales, homoparentales, « décomposées » par la mort ou le départ d’un conjoint, familles recomposées où la place et le rôle des nouveaux parents doivent être redéfinis pour le bien des enfants. Chacune de ces formes de familles a un potentiel d’harmonie et de développement que les acteurs sociaux doivent comprendre et favoriser sans jugements à priori. Personnellement, je récuse le terme de « familles à risques », car toute vie familiale comporte, à un moment ou à un autre, des moments difficiles. Au lieu de parler de familles vulnérables, il vaut mieux identifier les périodes de vulnérabilité dans le cycle des vies familiales et y apporter les soutiens nécessaires et adéquats. « Il faut un village pour élever un enfant », dit le proverbe africain. C’est dire l’importance d’une coéducation harmonieuse utilisant à bon escient les ressources éducatives de la communauté. Urie Bronfenbrenner parle à ce propos de contextes, primaires et secondaires, de développement en insistant sur le fait que si ces ressources et ces familles s’ignorent ou pire REGARDS CROISÉS sur la petite enfance TOUT NE SE JOUE PAS AVANT 6 ANS Michel LEMAY Pédopsychiatre et professeur titulaire • Québec Il m’arrive une drôle d’aventure ; il y a un petit enfant garçon ou fille, je ne sais, qui m’a dit : « Je veux parler à ta place ». Je vais lui laisser la parole… Il paraît que vous m’avez silhouetté, inspiré et donc créé bien avant que je naisse, au moment où la première fois vous vous êtes dit : « Mais si on avait un enfant, plutôt que de rester des personnes qui veulent seulement s’aimer et vivre ensemble ? » Je vous ai transformés en parents, alors que je n’existais pas. Je suis devenu celui ou celle qui agrandissait votre amour, mais en me plaçant déjà entre vous. Je suis devenu celui ou celle qui vous permettait de rejoindre vos lointaines origines, avec le désir de recommencer grâce à moi, des parties de vousmêmes que vous auriez voulu avoir et faire. Je suis devenu celui ou celle qui vous donnait l’illusion que grâce à ma présence vous pourriez continuer à être vivants malgré votre inexorable finitude. et puis on a annoncé que j’étais né dans le ventre de maman. et pendant 9 mois, vous ne m’avez pas vu, mais il s’en est passé des choses dans cette première demeure d’amour. Vous m’avez photographié, vous avez rêvé que je pensais déjà à vous, et puis au bout de quelques mois, quand je ne bougeais pas, vous vous inquiétiez, et quand je donnais des coups de pieds dans la paroi abdominale, vous me prêtiez un tas d’intentions comme si je vous disais quelque chose. 17

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