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nous craignons d’avoir été. C’est là ce qui nous rend difficile de renoncer à notre pouvoir sur les bébés et sur les très jeunes enfants, d’où notre tendance à les priver, souvent, de l’un de leurs besoins fondamentaux, soit celui de leur permettre d’actualiser toutes leurs compétences par eux-mêmes, et à leur rythme propre, sous le regard d’un adulte présent et étayant, mais pas trop intervenant. les jardiniers savent bien qu’il ne sert à rien de tirer sur les feuilles pour qu’elles poussent. les feuilles et les fleurs poussent de l’intérieur, mais sous le regard aimant et encourageant du jardinier à leurs côtés. Tout ceci doit nous amener à mieux définir, parmi les droits de l’enfant, un droit à l’enfance. LE STRESS ET LE TRÈS JEUNE ENFANT : QUOI OBSERVER ? QUE FAIRE ? Ashley WAZANA Chercheur clinicien • Québec Bien sûr, la maladie mentale chez l’enfant est une réalité. Il existe des facteurs de risque avant même la naissance de l’enfant, pendant la grossesse, de même qu’il existe des facteurs génétiques. À cet effet, nous avons besoin d’être vigilants ; la psychopathologie existe bel et bien chez les tout jeunes enfants. on peut trouver des symptômes d’anxiété, de dépression même, chez des enfants en très bas âge, dès deux ans, et il est possible de détecter ces symptômes. Afin que la prévention et l’intervention précoce exploitent la plasticité de l’enfant dès la petite l’enfance, il nous faut mieux comprendre les facteurs de risque et de protection. Ce qui se passe avant la naissance revêt donc une grande importance : le fœtus est en réaction aux changements intrautérins, il se développe en s’adaptant à son environnement. Barker (1989) émet l’hypothèse que l’origine de plusieurs maladies remonte à la malnutrition pendant la période prénatale. Déjà à la naissance, on peut percevoir des signes : un petit poids de l’enfant à la naissance ou la présence de stresseurs chroniques, par exemple. le tempérament de l’enfant semble lié à ce qu’il a vécu pendant la grossesse : les réactions, les craintes, l’agressivité, l’impulsivité, l’anxiété, la dépression, les problèmes ou des retards cognitifs ou moteurs sont tous liés à des événements vécus pendant la période intra-utérine. la recherche évolue ; les chercheurs peuvent maintenant démontrer que ce que l’on fait après la naissance de l’enfant est d’une importance capitale. on ne peut toutefois ignorer la question du déterminisme qui est apparue et qui réussit à infléchir nos motivations et celle de notre confiance que notre existence en tant que parents ou en tant qu’intervenants font réellement une différence dans la vie de ces familles et de ces enfants. Il faut toujours rester confiant ; ce qui se passe avant la naissance compte, mais ce qui se passe après compte tout autant. REGARDS CROISÉS sur la petite enfance les chercheurs ont beaucoup travaillé sur la sérotonine (le « gène du bonheur ») : l’allèle court du gène, associé à une baisse de la transcription, du transport cellulaire et de la capture de la sérotonine, est en lien avec la psychopathologie ; il est associé à l’anxiété, à la dépression et à l’émotivité négative. Cette association faite chez l’adulte semble toutefois beaucoup moins claire chez l’enfant. on a pensé que les découvertes entourant le génome humain allaient nous apporter un véritable éclairage, alors qu’on a réalisé qu’il manquait certaines informations majeures. la question du « pourquoi l’ADN ne peut prédire notre futur ? » est ainsi restée sans réponse. si l’on prend l’exemple d’un ver de terre : il compte 19 000 gènes et possède un génome de 97 mégabases. l’enfant humain, quant à lui, possède un génome de 3 000 mégabases, soit 330 fois plus qu’un ver de terre, mais ne possède que 30 000 gènes, à peine 1,5 fois plus ! Pourquoi cette dispro11

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