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Par ailleurs, à l’instar de la plupart des pays du monde, le Sénégal est secoué de plein fouet par la pandémie du coronavirus avec son lot de conséquences politiques, sociales, économiques, etc. Plusieurs mesures ont d’ailleurs été prises par le Gouvernement avec notamment la proclamation de l’État d’urgence assorti d’un couvre-feu. L’un des principaux défis à relever dans cette « guerre » contre un ennemi puissant et invisible reste celui d’une communication, d’une communication de crise, d’une communication pour le changement de comportement adossée sur un système de communication publique performant. Trois mois après l’apparition du premier cas, on note une tergiversation des autorités par rapport à la démarche adéquate à dérouler. Ce qui a eu malheureusement comme conséquences le relâchement des populations, le non-respect des mesures barrières édictées, la multiplication des cas de contamination qui rendent la situation épidémiologique inquiétante. A la place d’une communication sociale, d’une communication de contact, nous avons eu droit à la prédominance d’une campagne médiatique et informationnelle facilitée surtout par la collaboration des groupes de presse qui ont mis gracieusement leurs supports à la disposition du ministère de la santé et de l’action sociale. En réalité, tous ces écarts notés çà et là et même bien avant l’avènement du Covid-19 sont fondamentalement révélateurs d’un malaise systémique, structurel profond qui mérite d’être analysé sans complaisance en vue de promouvoir une communication publique efficace et efficiente. Pourtant, la communication publique, cette communication « formelle qui tend à l’échange et au partage d’informations d’utilité publique ainsi qu’au maintien du lien social et dont la responsabilité incombe à des institutions publiques », constitue un pilier majeur de gouvernance politique. Outre le fait d’assurer l’information nécessaire au fonctionnement des services publics, elle doit rendre compte des politiques publiques, rendre lisibles l’institution et ses décisions, montrer le sens, l’ambition, les conséquences et les contraintes des choix publics. Sa mission principale est de servir l’intérêt général et la démocratie. Une meilleure prise en compte de la communication publique aurait contribué à un management efficace de la marque « Etat du Sénégal » ; à une meilleure visibilité et une lisibilité des politiques, projets et programmes ; à une facilitation de l’accès aux données ; à une meilleure diffusion des informations relatives aux activités et réalisations gouvernementales ; au développement d’une relation de confiance entre l’Etat et les citoyens ; à l’instauration d’un climat de stabilité socio-politique. Une communication institutionnelle bien maîtrisée permettrait d’anticiper en amont la gestion des crises et, mieux encore, de les éviter. C’est donc un outil extrêmement important sur lequel devraient s’appuyer les gouvernants dans la réalisation des tâches qui leur incombent. Après observations et analyses, nous avons identifié trois facteurs qui gangrènent la communication institutionnelle au Sénégal. Le financement Contrairement aux entreprises privées qui accordent une place centrale à la communication, les institutions publiques relèguent souvent ce levier important de gouvernance à une simple formalité, voire à une simple médiatisation. Les restrictions budgétaires dues à la crise économique affectent la communication publique. Dès lors, ces institutions fonctionnent sans cellule, elles ne mettent généralement pas à la disposition de la communication un budget car celle-ci est souvent perçue comme « gadget » non prioritaire. C’est d’ailleurs pourquoi il est rare de voir une politique communicationnelle soutenue dans la plupart des organes de l’Etat. La professionnalisation des acteurs La communication publique devrait s’appuyer aujourd’hui sur une professionnalisation de ses acteurs, pratiquant des métiers reconnus et renforcés par des formations spécifiques de haut niveau. Malheureusement au Sénégal, la réalité révèle qu’avec la politisation de l’administration les chargés de communication sont souvent choisis par copinage. Il n’est pas rare de voir des responsables de communication d’institutions publiques sans expériences professionnelles et même sans diplôme requis. Mathieu Griffon déclare d’ailleurs à ce sujet : « Si la communication est souvent perçue comme des techniques innées, elle est en réalité un véritable métier qui s’apprend en théorie et dans un quotidien riche en expérience diverses et variées ». Ce manque de professionnalisation de ce métier prestigieux fait qu’on a souvent affaire à des agents qui ne s’occupent que de médiatisation au détriment de la vraie communication publique BIRAMAWA MAGAZINE - 17

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