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Pour cette question et pour tant d’autres, ce qui a fait défaut, c’est la volonté des autorités étatiques de doter l’Inspection du Travail et de la Sécurité sociale des moyens d’actions efficacement dissuasifs notamment d’un pouvoir d’amende directe dès lors que la violation de la loi se fait de manière flagrante. Sur ce point, l’ordonnance n’a fait que révéler un problème ancien qui continue de saper les efforts des inspections du travail et qui ne permet pas une réelle protection des travailleurs face aux abus de leurs employeurs. L’action de l’Inspecteur du Travail et de la Sécurité sociale dans la protection du mandat du délégué du personnel s’est trouvée influencer par l’ordonnance. Celle-ci, en dérogeant à l’article L.214 du Code du Travail, oblige que l’Inspecteur du Travail et de la Sécurité sociale aille à la recherche d’une faute lourde pour motiver sa décision portant autorisation de licencier le délégué du personnel mis en cause. Auparavant, la question de la proportionnalité entre la faute commise et la sanction infligée n’impliquait pas forcément l’exigence de rechercher une faute lourde ; ou du moins, la question n’était pas suffisamment tranchée. Entre le 14 mars et le 2 juillet 2020, on est, au moins, sûr que l’Inspecteur du Travail et de la Sécurité sociale ne peut autoriser le licenciement du délégué du personnel que s’il parvient à établir l’existence d’une faute lourde qui est un manquement d’une gravité telle qu’il empêche le maintien de la relation de travail. Qu’en est-il de la faute commise durant la pandémie et sanctionnée par le licenciement après le 2 juillet c’est-à-dire à la fin de l’habilitation ? En l’état actuel de la réglementation, rien n’indique que l’employeur ne puisse licencier un travailleur pour une faute simple dès lors que l’interdiction induite par l’ordonnance n’est plus en vigueur. Aucune disposition ne fixe un intervalle de temps entre la commission d’une faute et la sanction. En l’espèce, il n’y a que le juge qui peut instituer un délai dit raisonnable ; ce qui sera donc une appréciation faite au cas par cas. 2. Relativement au chômage technique… Concernant le chômage technique, la parenthèse qui se ferme emporte avec elle une solution qui ferait mieux de rester pour constituer une réponse aux innombrables questions qui se posent sur les modalités d’application de l’article L.65 du Code du Travail. Aucune convention collective encore moins un accord collectif d’entreprise ou d’établissement ne le complète notamment en ce qui concerne sa durée ou la rémunération qui l’accompagne. Déjà laconique sur la question, l’article sus évoqué n’encadre pas la durée du chômage technique, ni ne pose le principe de sa rémunération partielle comme une obligation. Et dans ce trou béant baignent les abus de certains employeurs. Ainsi, il faut, au plus vite régler cette question qui n’est pas moins essentielle que celle de l’âge de la retraite qui a valu une petite réforme en juin 2020. Il ne sera pas trop d’être méticuleux dans la rédaction pour diverses raisons dont notamment : ‒ l’impératif de distinguer carrément le chômage technique du télétravail ; ce dernier, encore appelé travail à distance, est un aménagement de l’espace de travail. Ce n’est pas parce que le salarié reste à la maison qu’il ne travaille pas. Non seulement, il est occupé à faire les mêmes tâches qu’il aurait fait s’il était au bureau, mais il voit son intimité et son espace familial encombrés au point de déranger ce qui, en temps normal, constituait sa vie privée. Alors celui qui est en télétravail est en situation de travail ; ‒ la nécessité de ne pas confondre la réduction des heures de travail au chômage technique partiel. On ne sait pas ce que c’est le chômage technique partiel au regard de l’article L.65 du Code du Travail. En revanche, on sait que la réduction des heures de travail est une mesure alternative au licenciement pour motif économique dans le droit du travail normal et qui a été empruntée au droit du travail de crise. En faire une mesure alternative est assez suffisant pour le distinguer du chômage technique. Cette confusion, on la doit à l’article 4 de l’ordonnance qui oblige le travailleur, pendant la durée du chômage technique, de se mettre à la disposition de l’employeur pour éventuellement exécuter des tâches ponctuelles relevant de son domaine de compétence. Cela a été une opportunité d’occuper partiellement les travailleurs à son poste de travail ou à la maison (télétravail). In fine, l’ordonnance a le mérite d’attirer l’attention du public sur l’importance de leurs droits en tant que travailleur et à quel point cette question est liée avec leurs moyens de subsistances. Si elle augure une réforme en profondeur du Code du Travail et de l’Inspection du Travail et de la Sécurité sociale, c’est que la bonne leçon a été tirée. Un droit du travail militant du développement économique et social est un droit du travail qui donne une bonne articulation entre la protection du travailleur et la sauvegarde de l’outil de production. C’est aussi et surtout une Inspection du Travail et de la Sécurité sociale proactive, contribuant activement à l’élaboration des meilleures stratégies de promotion de l’emploi et de la protection sociale. Alioune FALL Juristes d’Affaires, Inspecteur du Travail et de la Sécurité sociale BIRAMAWA MAGAZINE - 27

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