Pouvez-vous vous présenter svp à nos abonnés ? Bonjour, je me nomme Khadim Mbacké SENE. Je suis ingénieur en développement territorial, expert consultant en gouvernance territorial et développement local. Je suis par ailleurs PDG/CEO du cabinet KMS CONSULTING, un cabinet d’étude et d’orientation en développement territorial. Qu’entendez-vous par décentralisation et territorialisation des politiques publiques ? La décentralisation est une politique initiée par l’Etat et basée sur des principes qui régissent son fonctionnement et son application. Elle résulte d’un transfert de compétences et de prérogatives de l’Etat vers des collectivités territoriales dotées d’une personnalité morale et juridique, d’une autonomie financière, d’un contrôle de légalité à postériori et dirigées par des élus locaux. La décentralisation se résume en deux mots : proximité et liberté. Quant à la territorialisation des politiques publiques, elle consacre l’essoufflement du modèle de l’Etat post colonial pour reconnaître que le développement des territoires ainsi que la place stratégique conférée à ces derniers dans le mode de régulation constituent désormais une priorité publique. Qu’elle concerne les politiques ou les services, la territorialisation peut être analysée comme levier d’une décentralisation plus effective et ou comme risque de fragmentation et de complexification de l’action publique, toutes choses par ailleurs exigeant la prise en compte des ses préalables, modalités et défis. La distinction que nous pouvons faire entre les politiques territorialisées et les politiques territoriales est que les politiques territorialisées sont des politiques centralistes et dirigistes avec un centre unique agissant selon une logique descendante, unilatérale et standardisée débouchant sur un maillage des territoires par les services de l’Etat. Dans ce cas, les territoires ne participent pas à la construction des politiques publiques et leurs spécificités restent inhibées par la logique de standardisation et d’uniformisation du pouvoir central. Il s’agit donc d’une logique verticale d’encadrement soumise aux critères administratifs, institutionnels ou technicistes qui se justifie amplement par le souci d’homogénéité de construction d’une nation, de mise en cohérence des différentes parties du territoire, d’affirmation de la toute puissance de l’Etat en vue d’éviter les risques de fragmentation tant du territoire national que des échelons du pouvoir. Quant aux politiques territoriales, elles renseignent sur une vision de l’Etat comme espace d’arrimage de pratiques, de politiques et d’initiatives construites de l’intérieur des communautés territoriales. Soumises à une logique de développement territorial la territorialisation appelle à la fois un dépérissement des formes traditionnelles d’action publique et une reconfiguration de l’architecture institutionnelle voire une redéfinition/ refondation du mode de régulation. Elle interroge d’abord la nature et le statut de l’Etat en expulsant toute forme d’organisation politique, totalitaire, centraliste et omniprésente pour valoriser un Etat stratège qui se positionne dans les fonctions de régulation, d’impulsion, d’animation, de coordination, de suivi-évaluation et de renforcement des capacités d’action des autres acteurs. Décentralisation et territorialisation des politiques publiques, peut-on parler d’un nouveau management public et une reconfiguration de l’État ? Effectivement il s’agit d’un nouveau management public et une reconfiguration de l’Etat dans la mesure où la territorialisation donne plus d’autonomie aux territoires, avec une reconfiguration de l’architecture institutionnelle. Elle fait appel à une autre vision des territoires différente de la notion d’espace. Les territoires rendent compte d’une construction historique, socioculturelle et institutionnelle non transférable et non reproductible. Elle convoque la nécessité de dépasser les cloisonnements relatifs aux découpages administratifs pour mettre en relief une approche pragmatique qui valorise la mobilisation socio-territoriale autour de problématique commune. Quelle est votre impression sur l’acte III de la décentraliBIRAMAWA MAGAZINE - 39
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