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Quand l’attachement tarde… Les cliniques d’attachement, et le Québec y fait figure de pionnier grâce aux travaux de Gloria Jeliu et Yvon Gauthier, sont des cliniques médicalisées et « psychologisées », où on essaie d’aider la famille à créer autour de l’enfant un véritable attachement et à démarrer positivement dans la vie. Quand l’attachement tarde ou ne se fait pas très bien, est-ce que ces cliniques rendent de réels services ? la question se pose, car certes, quelquefois, les intervenants qui y œuvrent ont l’impression d’être dépassés. Ces cliniques constituent toutefois une très grande avancée ; auparavant, quand de graves problèmes se posaient, on séparait l’enfant de ses parents, on le plaçait en institution. l’enfant déprimait, et déprimant, il devenait opposant, et devenant de plus en plus opposant, il ne pouvait plus rester dans le lieu ; c’était donc la succession des placements. souffrir d’un manque ou d’une carence d’attachement pendant l’enfance et garder un manque immense à l’intérieur : à partir de cette réalité, l’adulte peut profondément désirer un objet de possession pour pouvoir compenser la souffrance en lui. Par exemple chez une jeune femme, il risque d’apparaître le désir d’avoir une grossesse rapide et d’avoir un bébé réparateur. À partir de ce désir, l’enfant n’est plus un sujet qu’on a à côté de soi, mais un objet qui va essayer d’empêcher de sombrer dans la dépression. Il est clair que ce bébé est en danger ! Un travail peut bien sûr être fait entre le parent en difficulté et le petit enfant. Généralement ce n’est pas un duo dont il est question, mais d’un système familial. on procède à l’intégration du rôle d’un papa, d’un grand-parent ou d’un membre de la fratrie, afin de reprendre un nouveau dynamisme, de changer les rôles. la rencontre enfant-parent se fait avec un intervenant, pour tenter de rompre le cercle vicieux. le problème le plus important relève souvent du temps ; le temps du parent n’est pas celui de l’enfant ! Alors que le parent apprend à devenir empathique, l’enfant commence à montrer des signes de pathologie, et on se demande s’il vaut mieux continuer ou arrêter. C’est là qu’apparaît l’importance des lieux substitutifs, dont les CPe, et du rôle qu’ils sont appelés à jouer. Par les activités, il faut lui donner confiance en lui-même ; le quotidien est immensément signifiant pour l’enfant. le lieu d’accueil permet de voir apparaître en même temps une réanimation de l’enfant et du système familial dans lequel il était inséré. L’ENFANT un monde à RE-CONNAÎTRE Rôle et possibilité d’action, limite du rôle des professionnels les professionnelles de la petite enfance connaissent les difficultés d’« élevage » au quotidien ; elles doivent être complètement désemparées quelquefois, de voir de enfants s’enfermer dans un début de psychose, ou plus banalement, des difficultés à obtenir un sourire, à voir au jour le jour un enfant qui ne s’épanouit pas. Comment alors aider un enfant qui a un attachement désorganisé ? La France a récemment vécu un conflit national parce que le gouvernement avait prévu une loi obligeant les professionnels de la santé et du travail social à déclarer les enfants de trois ans suspectés d’avoir des troubles de développement, afin, disait-on, de prévenir la délinquance à l’adolescence. Poser un problème en ces termes mène à une voie dangereuse. Face à ce mouvement aberrant, des psychiatres et des pédiatres ont créé un mouvement appelé « Pas de zéro de conduite ». À l’instar des discours de ce mouvement, il faut se garder d’établir des pronostics qui sont portés par la peur de voir des enfants aller mal et devenir asociaux. le problème reste réel. Il faut être un peu fou dans nos métiers, pour croire en des possibilités d’évolution. Il est clair que plus un enfant est symptomatique, plus la structure autour de lui semble nous échapper, plus nos anticipations qui devraient être positives deviennent négatives. Toutefois, quand on revoie ces enfants quelques années plus tard, quelquefois on a de mauvaises surprises. Mais souvent, il y a eu quelque chose dans ce qu’on a fait avec eux, quelque chose qui a eu une fonction organisatrice, puis d’autres personnes et d’autres fonctions organisatrices sont entrées dans sa vie et le sujet « sort du trou » alors qu’on avait l’impression qu’il n’en sortirait jamais. Le temps et la résilience, deux alliés la résilience, c’est être prêt à l’inattendu ; c’est être réceptif aux choses inespérées ; c’est savoir être à l’écoute pour discerner des petits signes prometteurs d’amélioration. Il ne faut absolument pas minimiser notre tâche, notre rôle, dans le partage du quotidien, qui est d’être des figures d’attachement symbolique significatives. Dans cette rencontre avec un intervenant, quelque chose reste attaché dans le psychisme de l’enfant, quelque chose qui mûrit, germe et qui finit par donner des résultats. le meilleur thérapeute est le temps ; autant il peut désorganiser, autant il peut finir par organiser. C’est le propre de nos métiers de pouvoir à la fois vivre des moments de 49

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