37

perturbateurs, l’intervenant qui s’y attarde peut, au contraire, y trouver matière utile pour comprendre ou dénouer une situation (Jackson, 2005). Plusieurs autres considérations militent en faveur de l’observation : 1) Une des fonctions de l’observation est d’être un témoin. Nous savons que cela a des implications profondes au niveau existentiel ; être vu et se sentir regardé, avec bienveillance, constitue un fondement du sens de soi (Rhode, 2007). 2) l’observation suppose un travail utile sur les frontières interpersonnelles, une recherche de la bonne distance : assez loin pour voir une situation dans son ensemble et assez près pour demeurer impliqué émotionnellement et avec empathie dans celle-ci. 3) observer permet de développer la capacité d’attendre, de prendre le temps de percevoir et de laisser émerger les pensées de façon à d’abord reconnaître, puis partager des états mentaux (Monti & Crudeli, 2007). Pour y arriver, l’éducatrice doit avoir la possibilité de ne pas être trop préoccupée, mais curieuse et concentrée à observer, partager et contenir. 4) Ceux qui observent notent en général l’expansion de leurs capacités d’autoobservation et y trouvent un facteur de développement personnel. 5) Il est primordial d’être volontaire pour observer/être observé, car discuter en groupe suppose un degré d’exposition de soi. on ne peut forcer personne à le faire. Des raisons empêchent ou nuisent à l’observation : 1) Des craintes sont énoncées quant à un effet dommageable de l’observation, en étant trop intrusive, trop stimulante, voire en surdéveloppant le narcissisme de l’enfant ; pour certains, observer peut signifier « scruter », critiquer, mépriser en mettant l’emphase sur les erreurs ou les faiblesses. 2) la position d’observateur est difficile à maintenir, sous-tendue par une pression pour intervenir. 3) Ajoutons la difficulté à s’identifier et à mettre en mots ce que peut ressentir un jeune enfant. 4) Il existe une tendance naturelle à se protéger des émotions pénibles, qu’elles soient liées aux séparations, aux difficultés rencontrées par l’enfant ou à la rivalité entre enfants, entre les parents et l’éducatrice ou entre les éducatrices elles-mêmes. 5) les professionnelles peuvent avoir tendance à trop s’identifier à la position parentale, notamment quand elles sont elles-mêmes de jeunes parents. Mon expérience a montré que des discussions de groupe autour d’une observation incluant plusieurs éducatrices avaient un effet multiplicateur pourvu qu’un climat de confiance suffisant existe pour permettre d’ouvrir sur les ressentis indiviL’ENFANT un monde à RE-CONNAÎTRE duels sans être jugés. le groupe permet d’apporter plusieurs points de vue différents qui, s’ils sont bien contenus, peuvent aider à dédramatiser, sans banaliser, des situations complexes. les éducatrices se permettent souvent de référer à des situations difficiles pour elles aussi sans pour autant généraliser et en arriver trop rapidement aux conclusions. observer peut alors aussi servir de support mutuel entre éducatrices dans un moment difficile avec un enfant. Pour une organisation, un choix est à considérer quant à s’occuper ou non des impacts des émotions sur le travail en garderie. offrir un support au personnel pour digérer ces expériences affectives intenses génèrera un sentiment plus grand de gratification dans le travail et une valorisation de celui-ci. Au contraire, comme Hopkins (1988) le rapporte, un haut taux d’absentéisme des éducatrices et un roulement élevé de personnel seront des indicateurs d’épuisement des éducatrices en bonne partie relié aux conditions de travail non supportantes. en conclusion, le thème du congrès indique clairement la préoccupation pour le bien-être des enfants en garderie, y compris leur bien-être émotionnel. Il m’apparaît clairement que l’accueil, le soin ou l’observation des jeunes enfants dans des milieux de garde ne peuvent être considérés isolément. Ce que l’enfant y vit est indissociable de ce que les adultes seront en mesure de lui proposer pour établir avec chacun des relations plus personnalisées et plus profondes au plan affectif. les liens établis le seront à trois : l’enfant, ses parents et les éducatrices. Cette donnée incontournable ira donc de pair avec l’offre d’un support réflexif en compagnie des éducatrices pour bien souligner l’importance à accorder à la compréhension du monde émotionnel des enfants (elfer, 2010). Tout ne se joue pas avant six ans. Mais faisons que ce qui s’y joue le soit de mieux en mieux. 35

38 Publizr Home


You need flash player to view this online publication